1896
Paul Andreevitch MANSOUROFF naît le 2 mars à Saint-Petersbourg. Sa famille. sans doute d’origine Tatare, provient de la région de Tchistopol dans la province de Kazan. A une cinquantaine de kilomètres de Kazan il y avait un village du nom de Mansourovka. Son père est chantre d’église et ses premières années se passent au 1 et au 4 de la Perspective Nevsky en face du monastère Alexandre Nevsky. Ses souvenirs d’enfance sont ceux des parades militaires. des jongleurs de fêtes foraines et desbfunérailles solennelles qui se déroulent sur cette place. Il se rend souvent à Sosnovo où ses grands-parents possèdent une maison de campagne.
1903
Décès de son père à Smolensk. La famille s’installe à Sosnovo où sa mère dirigera un hospice de vieillards.
Il se rend souvent à Pavlovsk. près de Sosnovo. chez Pavel Tchistiakov, qui a été le maître du peintre Repine. et qui l’envoie à la petite école d’art Streblov. En plus des rudiments du dessin il y apprend à poser la couleur. particulièrement sur des petites frises et sur des motifs ornementaux. à Ia manipuler et à préparer les planches d’icônes.
1909
Il s’inscrit à Saint-Petersbourg à l’lnstitut Central de Dessin Technique du baron Stieglitz. Il y étudie la gravure et l’eau-forte avec le graveur Vassili Maté et un de ses principaux maîtres a été le peintre Savinsky qui s’intéressait particulièrement à la réduction géométrique de la forme anatomique. Savinsky a été également un des maîtres de Filonov, et enseignait des principes classiques en laissant de côté les nouveaux mouvements en art
1911
Mansouroff entre à la Société de Saint-Petersbourg pour l’Encouragement des Arts. école qui préparait à l’entrée à l’Académie des Beaux-Arts et dont l’enseignement était traditionnel. L’école, à ce moment-là, était dirigée par le peintre Nicolas Roerich.
Il participe aux débats suscités par la conception de l’art exprimée par Tolstor dans son livre «Qu’est-ce que l’art ?». L’art doit tenir compte du contenu et non de la forme.
Il s’intéresse à la poésie de Walt Whitman .. qui influencera certains poètes futuristes russes (en particulier Marakovsky), aux œuvres de la dernière époque du peintre Vroubel et aux bouleversements artistiques qui déjà s’annoncent. Mansouroff reconnaîtra toutefois n’avoir eu connaissance du Manifeste Futuriste de Marinetti qu’en 1915.
St-Petersbourg 1913
A partir de cette date Mansouroff travaille, seul ou en collaboration avec d’autres peintres. à des décors de théâtre dans les locaux du cabaret-théâtre « Le Chien Errant » que fréquentait la bohème et l’avant-garde artistique. A ce cabaret-théâtre succèdera « La Halte des Comédiens » où en 1916 Mansouroff collabore avec le décorateur de théâtre Soudéikine aux fresques qui décoreront Ia salle des spectacles. Mansouroff y réalise entre autres les décors d’une pièce de Nicolas Evreinov d’après des cartons de Chagall. ll y rencontre tout le monde artrstique de St-Petersbourg : la poétesse Anna Akhmatova, l’actrice Olga Glebova-Soudei-kina, le poète Vladimir Marakovsky avec lequel il se lie d’amitié, le poète Essenine dont en 1925 il fera le portrait sur son lit de mort. De cette époque datent également de nombreux portraits de vieillards peints à l’hospice de Pavlosk, le portrait de «Andréï l’aveugle ». et des études de feuillages.
Pétrograd 1915
Sa formation est interrompue par la première guerre mondiale. ll s’engage dans l’armée et se voit affecté au Premier Parc d’Aviation de Pétrograd, sous le commandement du colonel German.
L’esthétique des aéroplanes. de leur trajectoire en vol et des formes techniques en général le fascine.
Pétrograd 1916
Il est transféré en tant que conseiller technique à la Fontanka, au siège de la Direction de l’aviation militaire où il dessine des prolets de hangars et d’hélices d’avions d’après les calculs qui lui sont remis. Durant la guerre; Mansouroff illustre le roman de Dostolevsky « Les Pauvres Gens ». C’est l’époque de ses premiers dessins non objectifs: étude du déplacement de la ligne dans l’espace, dont l’aboutissement est le cercle. Ces études présagent de son intérêt futur pour les fonctions linéaires et les espaces vides.
Pétrograd 1917
Février-octobre
C’est à la Fontanka que la Révolution de février 1917 surprend Mansouroff. Cette époque est celle de la promulgation des décrets sur les libertés; Ia discipline dans l’armée se relache. et dans cette atmosphère d’effervescence. de meetings politiques, Mansouroff remet en cause ses connaissances, ses enthousiasmes.
Octobre
La nuit de la prise du Palais d’Hiver à Pétrograd. nuit du 25 au 26octobre. Mansouroff se trouve à la « Halte des Comédiens » où il travaille avec le peintre et décorateur de théâtre Alexandre Radakov. Le surlendemain. ayant lu dans le journal Le Kopek l’annonce de la formation, sous Ia direction de Lounatcharsky. du NARKOMPROS (Commissariat du Peuple à l’Éducation). dont le siège était au Palais d’Hiver. Mansouroff dans un élan d’enthousiasme, décide de s’y rendre pour proposer sa collaboration. Il est agréé par Lounatcharsky, qui lui propose de s’installer au Palais d’Hiver et lui attribue le cabinet de l’impératrice. Les deux principaux collaborateurs de Lounatcharsky sont Yatmanov. Directeur des Musées et Palais, et le secrétaire de ce dernier lssakov. Les tâches du NARKOMPROS étaient de promulguer les décrets, de les faire connaître par des affiches de propagande qu’il fallait exécuter en quelques heures. de trouver des dirigeants pour les différentes sections (ou départements) qui se formaient au NARKOMPROS (section musicale, théâtrale, etc…). et de leur affecter lieux de travail et logement. Mansouroff participe à ces tâches: il dessine la couverture d’une revue scientifique. artistique et littéraire u La Flamme ». dont le rédacteur était Lounatcharsky; il présente son ami le compositeur Arthur Lourié qui sera nommé à Ia tête de la Section Musicale. et qui sera installé au Palais de Marbre. Grâce à sa grande diplomatie aucune des institutions musicales ne furent touchées par les réformes. Lourié présente Meyerhold qui est nommé directeur de la Section Théâtrale de Pétrograd. Chez le bibliothécaire Yakov, Mansouroff rencontre le poète Kliouev, poète paysan comme Essenine , ils deviennent amis. Matiouchine se présente lui-même au Palais d’Hiver. et reçoit un atelier dans la cour de la fonderie de l’Académie des Beaux-Arts de Pétrograd (Litejnyj dvor). Au cours de la soirée d’inauguration de cet atelier de nombreux artistes réalisent une œuvre sur un thème donné. Parmi les artistes présents il y a Mansouroff. Malévitch. Boris Ender. Matiouchine. Mitouritch. Chez Matiouchine Mansouroff fait de nombreuses rencontres. c’est là qu’il rencontre Malévitch.
Pétrograd fin 1917 – début 1918
C’est à cette époque. et autour des activités du NARKOMPROS. que Mansouroff se lie d’amitié avec Khlebnikov. Matiouchine, Malévitch et qu’il retrouve Filonov, qu’il connaissait depuis ses années d’études à l’lnstitut Stieglitz et à la Société pour l’Encouragement des Arts. La maison de Matiouchine est un lieu de rencontre pourtous ces artistes et c’est là que prendra corps l’idée d’un projet de Musée de la Culture Artistique et d’un lnstitut de Recherche. On y parlait de politique. de décrets. de nouveaux mots d’ordre. d’astrologie. de spirrtisme, inspiré par les idées de Madame Blavatsky. Bien que plus jeune que ses amis. Mansouroff se retrouve parmi ces artlstes comme un égal. et au milieu de l’émulatron de ses nouveaux amis. Mansouroff prend conscience que ses æuvres non-objectives sont sa véritable voie. Ses æuvres de cette époque sont des planches monochromes animées par quelques lignes. qui en s’équilibrant dans l’espace. créent à la surface d’imperceptibles tensions. ll utilise exclusivement la ligne droite et ses planches sont dominées par la notion d’espace. ll rencontre Tatline, qu’il considèrera comme son «maître précepteur», et part avec lui à Moscou où il passe quelque temps dans son atelier de la rue Staraia-Basmannaia. Quand la Section de l’lZO de Moscou se forme. Tatline est choisi comme directeur par les peintres de toutes tendances, pour ses qualités d’impartialité. Le siège de l’lZO de Moscou est la Maison Tchertova. Ses
membres en sont : Tatline, Altman. Malévitch, Pounine, Kamine, Brik, Marakovsky, Matiouchine et Mansouroff qui participent activement à l’installation des différentes sections du NARKOMPROS. Mansouroff devenu membre de l’lZO, est officiellement l’assistant du céramiste Vaouline à la Section des Arts lndustriels. Il enseigne à Pétrograd à l’École d’Encouragement des Arts. Toujours à Pétrograd il est nommé directeur de la « Maison des Littérateurs », qui servait de gîte à des artistes venus d’autres villes et provinces. Mansouroff est soutenu par Gorky et Lounatcharsky dans ses démêlés avec Ia mère de l’écrivain Savinkov, ex-propriétaire des lieux, et Vera Zassoulitch, la célèbre révolutionnaire, qui depuis son retour d’exil était logée à Ia «Maison des Littérateurs».
Pétrograd 1918
Le 18 janvier une annonce dans le journal «Zor» indique que « le groupe du peintre Mansouroff est entré au Conseil de l’Organisation de l’Enseignement Artistique de Pétrograd ». Au printemps, lors des célébrations, à l’occasion de la transformation du nom de la ville de Tsarskoie Selo (village du tsar) en Detskoie Selo (village des enfants), Mansouroff fait les décors et les costumes de «Upman, une comédie de fumée», ballet dont la musique, dirigée par le chef d’orchestre Albert Koout, est de Arthur Lourié et la mise en scène de Boris Romanov. Le
spectacle sera joué trois fois à la maison Mordvinov. en face du théâtre Marie, à Pétrograd, et en 1919 le livret musical sera édité par Lounatcharsky.
Octobre
A I’occasion des cérémonies du premier anniversaire de la Révolution d’octobre. Mansouroff reprend le thème de Upman et avec les personnages du dandy et du chinois crée deux panneaux : « Europe » et « Asie », placés sur la façade de l’Hôtel d’Angleterre, en face de la maison Miatlev. siège central de l’lZO, sur la place Saint-lsaac. Mansourofl expose pour la première fois sur l’insistance de Tatlin, ses œuvres non-objectives de 1916-1917 lors d’une exposition qui a lieu au Palais d’Hiver
7 novembre
Représentation unique de « Mystère Bouffe , au Théâtre du Drame Musical. La mise en scène est de Meyerhold, les décors et les costumes sont réalisés par Malévitch et Mansouroff d’après des cartons de Maiàkovsky.
Mansouroff est très affecté par la mort de son frère Alexandre.
Décembre
Il est envoyé par le NARKOMPROS. en mission officielle, à Tchistopol, comme délégué de l’IZO.
1919
Tatline est remplacé à la tête de l’lZO de Moscou par David Shterenberg, et s’installe dans l’atelier de mosaïque de l’Académie des Beaux-Arts de Pétrograd, devenue SVOMAS (Ateliers Libres d’Etat). Il y commence sont projet de monument à la Troisième lnternationale. Le siège central de l’lZO est maintenant à Moscou. Shterenberg devient directeur général des SVOMAS de Moscou, puis en 1920 du VKHUTEMAS (Ateliers Supérieurs Techniques et Artistiques), où enseignera Tatline. Pounine est nommé directeur de l’lZO de Pétrograd, dont le siège reste à la maison Miatlev. Pounine avec Malakovsky et Brik publiera les quelques numéros qui paraîtront de la revue « L’Art de la Commune ,. A Moscou, à la direction générale de l’lZO, Shterenberg. quoique très libéral. ne comprend guère l’avant-garde et « sa quête des étoiles », et peu à peu l’lZO prend une autre orientation. Face à cette situation les deux principaux collaborateurs de Lounat-charsky au NARKOMPROS se rapprochent des artistes de l’avant-garde de Pétrograd (Matiouchine et ses amis). De leur discussions naît le projet d’un Musée de la Culture Artistique. qui présentera les nouvelles tendances. selon les critères nouveaux: les éléments intrinsèques de l’art plastique (matériaux. couleurs. etc…).
En février se réunit la première commission du Musée de la Culture Artistique qui s’ouvrira en 192O. L’organisation du Musée. le choix des œuvres et des artistes. sont confiés à Nathan Altman. assisté de Grinchenko et Tchekhonine. Mansouroff y participera un certain temps. Le lieu attribué par Yatmanov est la maison Miatlev, place Saint-lsaac, déjà siège de I’lZO à Pétrograd. En même temps naît le projet d’un lnstitut de recherche picturale lié à ce Musée et où seraient intimement liées la recherche picturale et son explication théorique. Les artistes pourraient ainsi faire face aux mouvements prolétariens en art dont l’emprise grandissait et qui de plus en plus influençaient l’administration de l’lZO par leur orientation «sociale». Le but du nouvel lnstitut serait d’accueillir les tentatives originales des peintres d’avant-garde et de mettre de l’ordre dans le chaos des «-ismes » qui, ne reposant parfois sur rien, suscitaient cette attitude de mépris à laquelle souvent se heurtait l’avant-garde.
Avril-juin : première exposition générale de l’lZO au Palais d’Hiver. Quatre œuvres de Mansouroff y sont exposées: portraits de bandits. de bûcherons… En été Mansouroff part pour la région de Tchistopol : il met à exécution un projet de « retour à la terre » dont il discutait souvent avec Tatline. La vie de paysan leur paraissait « la vraie vie ». De plus dans cette époque de famine tous ceux qui pouvaient quitter les capitales pour la campagne, le faisaient. Mansouroff part au village de Gorki (u Les Petites Collines,), où habitaient des membres de sa
famille. Il demande et reçoit un lopin de terre et y mène un certain temps la vie de paysan. Tatline, son ami, reste à Pétrograd.
1920
Élu représentant de l’assemblée paysanne locale. il fart un court séjour en prison pour s’être opposé aux réquisitions de produits agricoles effectuées à cette époque par des brigades venues des villes. Libéré grâce à des amis en octobre, il est nommé professeur à l’École d’Enseignement Artistique et Technique de Kazan, devenue Ateliers Libres d’État de Kazan (SVOMAS). Il y enseigne la construction picturale non-objective à partir de la ligne et du jeu des couleurs. Avec ses élèves il prépare un projet de monument pour la célébration du premier mai. qui devait être dressé au lieu dit « des exécutions ». sur la Place Rouge à Moscou. la commission des fêtes juge son projet bon mais trop compliqué. De cette époque datent les dessins pour l’opéra de Rimsky-Korsakov: «Le Coq d’or», d’après le poème de Pouchkine sur un motif de légende.
1921
Trotsky propose Mansouroff pour organiser à Moscou une exposition de propagande pour le congrès de la Troisième lnternationale. Cette « Exposition des artistes de toutes les tendances » aura lieu à Moscou à l’Hôtel Continental du 22 juin au 12 juillet. Une exposition analogue se tient à Pétrograd au Palais de Tauride. Mansouroff rentre à Pétrograd où il retrouve son poste à l’École d’Encouragement des Arts. Il y enseigne à fabriquer les couleurs. à tourner vers la nature les tensions du regard. il y enseigne que le temps est lié à l’espace et qu’il faut essayer de détacher le temps de l’espace. Pendant l’été il emmène ses élèves à Sosnovo peindre d’après nature.
Le 3 avril le Musée de la Culture Artistique (N/KHK). ouvre ses portes. Soixante neuf artistes y seront représentés parmi lesquels Paul Mansouroff. il s’agit maintenant pour les peintres de démontrer de façon intelligible leur utilité publique et celle de l’lnstitut. Dans ses carnets Matiouchine écrit: «Tout est né à partir de questions concernant les ateliers de recherche. posées auprès du GLAVNAUKA. grâce à l’insistance et la participation active de Malévitch et de Filonov, le ressort caché étant Mansouroff. A la Conférence des Musées on décida de créer cet institut expérimental.
Le 1″‘décembre : lors d’une assemblée à Ia direction centrale de l’lZO à Moscou, Mansouroff et Tatline plaident la nécessité de la création d’un lnstitut de la Culture Artistique. Le résultat sera la création à Pétrograd de l’INKHUK (lnstitut de la Culture Artistique), avec à sa tête, dans un premier temps, Tatline (cf. la revue « Art Russe n n » 2/3, Pétrograd 1923. page B7).
1922
En janvier : le gouvernement russe organise à Berlin à la galerie Von Diemen, une exposition d’art russe à laquelle Mansouroff participe avec six œuvres. Ce fut la première exposition à présenter en occident l’art russe moderne dans son ensemble, et on peut présumer que son influence ne fut pas négligeable sur les artistes de Berlin. Toutes les æuvres exposées y étaient d’un commun accord appelées « suprématistes ». Les échos de l’exposition berlinoise arrivent à Paris qui, peut-être effrayé par le spectre de la Révolution, préfère tourner le dos à l’avant-garde russe.
Au printemps, Yatmanov donne tous les moyens nécessaires à l’installation de l’INKHUK: les collections du MKHK sont transférées au Musée Russe et à sa place, dans la maison Miatlev, sera installé l’INKHUK. Dès cette date I’INKHUK commence à fonctionner avant même d’être officialisé en 1923, passant sous le contrôle du GLAVNAUKA, étant maintenant officiellement indépendant du MKHK, l’INKHUK est composé de cinq membres, chacun à la tête d’un département, Tatline, Malévitch, Matiouchine, Filonov et Mansouroff. Excepté Malévitch, qui est revenu au début 1922 de Vitebsk, chacun des quatre membres a un poste d’enseignement par ailleurs. Le poste de directeur étant, avec celui de secrétaire et de femme de ménage, le seul rétribué lorsque l’INKHUK est officialisé. Malévitch est coopté à ce poste le 16 décembre par l’ensemble des membres de l’lnstitut et reçoit un logement de fonction dans la maison même. Le Vice Président en sera Nicolas Pounine. D’après le témoignage de Mansouroff l’lNK HUK n’est pas une école mais un institut de recherche, il n’y a pas d’élèves, seulement des collaborateurs que les directeurs de chaque section pouvaient engager. L’INKHUK a un règlement de 41 paragraphes en Sections. Ce règlement stipule que l’lnstitut sert de lien pour les recherches scientifiques de toutes les disciplines qui y ont des départements, tout en conservant l’autonomie des collaborateurs scientifiques, et que chaque section doit présenter un rapport annuel sur ses activités.
Malévitch dirige la Section des Connaissances Formelles et Théoriques, ses collaborateurs sont: Vera Ermolaeva qui dirige le laboratoire des couleurs. L.Youdine qui dirige le laboratoire des formes. Les autres collaborateurs étaient: A. Leporskaia, K.Rojdestvensky, V. Sterligov et N. Souietine. etc… Tatline dirige la Section de la Culture Matérielle. Matiouchine la Section de la Culture Organique avec, comme collaborateur, Boris Ender. Mansouroff, la Section Expérimentale. Filonov. la Section de l’ldéologie Générale. Chaque directeur de section se voit attribuer une salle d’exposition permanente. Dans sa salle, celle d’angle, Mansouroff exposera en permanence, jusqu’en 1928, les œuvres qu’il a créées depuis 1916.
1923
Le protocole du 2O mars nomme Mansouroff assistant de technologie à l’Académie des Beaux-Arts.
Mai-juin : Mansouroff réalise la couverture du catalogue de l’exposition des «Peintres de Pétrograd de toutes les tendances » présentant des œuvres sur cinq ans de 1918 à 1923 et organisée à l’Académie des Beaux-Arts de Pétrograd par le SORABIS (Union des Travailleurs de l’Art) de Pétrograd. Dès cette année, à chaque printemps une exposition aura lieu, dans les locaux de l’INKHUK, dont la popularité inquiétera les membres de l’AKHRR. De plus la revue LEF, dirigée par Ossip Brik et Maiakovsky, commence à les traiter de « Formalistes » qui veulent créer une nouvelle forme d’académisme. La revue « L’Art Russe, no2-3 de 1923 annonce que Tatline et Mansouroff ont fait un exposé à Moscou sur l’Union des Artistes de Gauche de Pétrograd. Cette conférence a été faite lors d’une réunion de LEF et rend officielle l’existence de I’INKHUK. Mansouroff professe à la Société d’Encouragement des Arts où il
apprend à ses élèves à voir d’un seul coup d’œil, et non pas de façon détaillée, et où il insiste sur «la nécessité de tracer le contour des formes visibles dans leur transparences». Ses réalisations sont en étroites collaboration avec ses recherches sur la forme et l’espace des années précédentes. Il remplace l’inspiration par la réflexion, et remarque pour la première fois avec son relief «Pivo» (La Bière) que ses propres travaux ont un lien traditionnel avec l’œuvre des anciens peintres russes; mais dans le contexte de son siècle, «Pivo » est l’emblème d’une brasserie avec salle de billard. Dans la réalisation de Mansouroff les boules de billard ont perdu leur qualité d’objet en se trouvant dans un espace vide, en n’étant plus en rapport avec la maîtrise de l’univers. Mansouroff avec la sphère a d’autres propriétés platiques au-delà du cubisme et du suprématisme.
1924
Le 21 mai s’ouvre la première exposition-bilan de l’INKHUK auprès du GLAVNAUKA. Dès cette époque paraissent des manifestes très polémiques que s’adressent les membres de l’INKHUK, les différences de personnalités entre les différents créateurs provoquant des discussions passionnées. malgré le front uni qu’ils présentent au public. Mansouroff fait un exposé sur «l’entrée des œuvres d’art contemporain au Musée Busse» en indiquant la manière de réaliser cet accrochage. Il dessine une couverture pour la revue «Les amis de la radio» la disposition des matériaux, la couleur et la forme ainsi que la typographie provoquent une impression visuelle qui donne de l’intensité au contenu du message.
1925
L’INKHUK reçoit du SOVNARKOM sa confirmation officielle en tant qu’lnstitut d’Etat et prend le nom officiel de GINKHUK (G=gosudarstennyj = d’État). Vers le milieu des années vingt, de nombreux décrets sont promulgués qui visent à la mise au pas de l’art. A l’exposition-bilan des travaux du GINKHUK. Mansouroff expose parmi ses panneaux de photographies et les objets de l’artisanat russe, une planche entièrement noire. Il est alors l’objet d’attaques violentes dans la presse.
Le 10 juin la Léningradskaia Pravda publie un article, signé du pseudonyme de « Sery », contre le GINKHUK et plus particulièrement Mansouroff, intitulé « Un monastère, entretenu sur le budget de l’État». Mansouroff se justifie par une lettre adressée au GLAVNAUKA. Malévitch après une réunion des membres du GINKHUK, adresse également une lettre au GLAVNAUKA qu’il signe « le hiéromoine d’Etat lsaber », et dans lequel il donne un aperçu du rôle du directeur de la Section Expérimentale.
Le 3 avril 1925 la Section Expérimentale dirigée par Mansouroff est menacée de fermeture. Grâce à ses appuis, en remerciements de sa collaboration avec Lounatcharsky depuis les premiers jours, et grâce à ses qualités pédagogiques attestées dans une lettre du professeur Korablev, la Section Expérimentale devient par le Protocole du 18 octobre 1925, Cabinet Expérimental.
Bien que menacé de fermeture, l’atelier de Mansouroff au GINKHUK restera ouvert, sur une décision du GLAVNAUKA du 28 octobre.
Filonov quitte le GINKHUK. Mansouroff pert son poste à l’École d’Encouragement des Arts et ouvre un atelier privé et non officiel, rue Novy-Pereulok (rue nouvelle).
1926
A l’exposition-bilan, Mansouroff expose ses deux manifestes : « La lettre profane à la ville » et « Contre les académiciens formalistes » : dans ce dernier il réfute les nouvelles académies, estimant qu’elles freinent l’évolution naturelle de l’art. Il s’agissait en fait d’une rupture entre les artistes et les associations artistiques prolétariennes. Pour les réalistes socialistes de l’AKHRR (Association des Peintres de Ia Russie Révolutionnaire fondée en 1922), le terme de «formalistes» était une injure dirigée, entre autre, contre certains membres de l’INKHUK, accusés de vouloir créer une nouvelle académie. C’était une des raisons qui excitaient les défenseurs orthodoxes de la tradition « nationale » issue des Ambulants, à vouloir la fermeture de l’INKHUK. dont l’activité était traitée d’hystérie de gauche, étrangère et inutile au prolétariat. Or, il s’agissait simplement d’une façon différente de considérer les choses, comme l’exprime Mansouroff : «Toutes les personnalité artistiques. littéraires et musicales ne pouvaient dans leurs désirs et leur travail ressentir les mêmes enthousiasmes. ni avoir la même direction».
1927
Mansouroff travaille quelque temps pour le DETGIZ (Édition d’État pour Enfants). il illustre « Les aventures de Romain Kalbris » d’Hector Malot et «L’attaque de la poste» de O.Henry adapté de P.Horvitz. Le DETGIZ joue à ce moment-là, pour Mansouroff, le rôle que sous la direction de l’écrivain Marchak et du peintre Lebedev, ses directeurs, il jouera pour bon
nombre d’écrivains et d’artistes en difficulté, c’est un moyen de subsister en écrivant, ou en illustrant. des livres pour enfants. Ainsi Mansouroffy retrouve deux des jeunes poètes du cercle d’avant-garde OBERIOU, Daniel Kharms et Alexandre Vvedensky, engagés par Marchak au printemps de cette année-là au moment où leurs œuvres cessent quasiment d’être imprimées. L’OBERIOU avait organisé depuis 1926, à l’INKHUK, des représentations théâtrales avec des pièces de leur propre fabrication auxquelles tous les membres de l’INKHUK participaient. Malévitch collaborait activement à leur groupe. Filonov en était proche et Mansouroff, ami de Kharms, fera même son portrait. Pendant ces années là, le poète Kliouev habite l’appartement que Mansouroff occupe, 45. rue Morskala avec sa mère, Kliouev lui dédiera un poème «Même les chats peuvent être heureux ». Le GINKHUK connait de nombreuses difficultés et ne se maintient que grâce à Yatmanov ; mais la campagne dirigée par l’Association des Peintres de la Russie Révolutionnaire (AKHRR) aboutit toutefois à la fermeture du GINKHUK décrétée en 1929, et à la paralysie de toute recherche esthétique d’avant-garde.
1928
Grâce à Léon Trotsky et à la sœur de celui-ci, Madame Kamenev. Mansouroff part pour l’Italie à la mi-août avec pour mission de faire connaître en Europe les travaux de l’avant-garde russe. Il part pour le compte de l’Union pour les Liens Culturels avec l’étranger et celui de l’Académie des Beaux-Arts et du Musée d’Ethnographie. Il quitte Odessa pour Brindisi sur le paquebot Campidoglio, en emportant avec lui un certain nombre d’œuvres et une lettre de recommandation à Boris Zouev. A Rome il retrouve son ami le sculpteur Sergei Konenkov et toute une société russe (la fille de Chaliapine, le femme du peintre Benois. etc…), partagée entre le désir d’émigrer ou de rentrer. Konenkov quitte Rome et laisse à Mansouroff son atelier. Mansouroff y séjournera peu de temps car il recevra très vite le visa pour Ia France.
1929
En janvier Mansouroff inaugure à Rome une exposition personnelle au théâtre d’avant-garde «Casa d’Arte Bragaglia (Théâtre des lndépendants)». L’exposition avait été organisée par OIga Signorelli qui avait présenté Mansouroff à Antonio Giulio Bragaglia. Les œuvres exposées donnent un aperçu des divers aspects de son œuvre et de ses intérêts lors de sa période russe. Le 6 juin Mansouroff s’établit définitivement à Paris où il retrouve son ami le compositeur Lourié et le céramiste Vaouline. Présenté par une lettre chaleureuse de Mar’akovsky, qui depuis l’époque de la «Halte des Comédiens» lui avait vanté la vie des artistes en France, où, disait-il, «il y avait du travail à tour de bras» Mansouroff se rend chez Robert et Sonia Delaunay dans leur atelier du 1 B. boulevard Malesherbes. Ils l’inviteront à habiter chez eux, et Mansouroff accepte pendant un an leur hospitalité. Il rend visite à Picasso pour le saluer de la part de Tatline. Picasso se montre très intéressé par leurs travaux et l’envoie chez un de ses amis qui avait une petite galerie, sans succès.
Paris 1930-1939
Sa rencontre avec les Delaunay, les difficultés que rencontre l’art non-objectif, et ses besoins de subsistance, l’orientent vers les arts appliqués dans lesquels il pourra mettre en pratique ses théories. Il réalise des dessins pour des tissus de haute couture produits par les maisons parisiennes : Patou, Chanel. Lanvin, Schiapparelli, Bianchini-Ferier, Sulka et Colcombet. Il réalise ces dessins en s’appliquant à rendre la synthèse de tous les arts, « en idéalisant le réel visible, on réalise un idéal sensible ». Il tresse ses motifs car le tissu est la poésie, la
danse, la musique.
En juin 1933 il expose à la galerie Art et Décoration rue de l’Echelle. Plusieurs articles lui sont consacrés. Pour Mansouroff il s’agit encore de compléter ses recherches entamées à l’INKHUK, car pour un artiste, dans la création de tissus la difficulté est de se renouveler sans cesse, de sentir les états d’esprit, les mœurs, et les réactions que cela peut entrainer sur les vêtements. Le tissu doit être vu avec le geste et l’attitude qu’il engendre.
Pendant ces années là il réalise des œuvres figuratives dont un grand nombre de natures-mortes. Il expose régulièrement à la galerie Le Niveau à Montparnasse. Sa mère meurt le 27 septembre 1932, et tout contact avec sa terre natale, ses amis, sa famille sont rompus. La plupart de ses compagnons des premiers jours ont disparus, subissent des arrestations au début des années 30. Il décide alors de rester définitivement en France. Il habitera successivement à Clamart et Montparnasse.
1940- 1983
Dans ces années difficiles et afin de subsister, il fait de la restauration d’œuvres d’art. Parallèlement il continue ses recherches entreprises en Russie. Il élargit les thèmes de ses nouvelles formules picturales par des changements de formes, toujours à Ia recherche de la perfection, « la beauté est le calcul juste» disait-il en 1921. Ses tableaux sont issus de la nature, bois brut. matériaux divers. Il retrouve ses préoccupations de l’INKHUK et cherche à réussir dans ses Tensions Picturales la transformation de la tension atmosphérique en éléments plastiques. Il fréquente les cercles émigrés russes et se lie d’amitié avec Larionov et Goncharova.
En 1956 il reçoit la visite de Georges Costakis. collectionneur de Moscou.